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Mise en oeuvre de la sérialisation : des bénéfices après une période de finalisation ?

Publié le 4 juillet 2019

3. De l'obligation au retour sur investissement ?

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La mise en oeuvre de cette sérialisation, aujourd’hui contrainte réglementaire génératrice d’investissements, peut-elle à plus long terme entraîner des bénéfices pour les acteurs de la supply chain pharmaceutique ?

La sérialisation engendre des impacts humains, matériels et informatiques mais aussi plus globalement organisationnels chez les acteurs de l’industrie pharmaceutique. Au final : des conséquences plus ou moins grandes selon la taille de la structure impactée et son positionnement dans la chaîne de distribution. « S’approprier la question de la sérialisation ou du décommissionnement dans une organisation aussi complexe que les Hospices civiles de Lyon oblige à se requestionner sur l’organisation interne car certains choix et stratégies ont des impacts différents en termes matériels, informatiques, etc. Comme il s’agit d’un dossier multiparamétrique, différentes options étaient possibles. C’est l’implication de l’ensemble de parties prenantes qui a permis de trouver la solution optimale », témoigne Claude Dussart, pharmacien chef de service de la pharmacie centrale des Hospices civiles de Lyon. Les hôpitaux ayant exprimé les difficultés engendrées par la mise en place de la réglementation, ils ont ainsi acquis le droit de procéder à des ajustements par rapport au contenu original, la Commission européenne ayant accepté que le décommissionnement y soit réalisé à réception et non au moment de la dispensation au patient. Mais des écueils subsistent encore face à une réglementation vécue tout d’abord comme une contrainte par les acteurs du monde pharmaceutique : « La réglementation touche à la problématique de sécurité du patient, que l’ensemble des industriels considère comme une priorité essentielle. Cette industrie est habituée à investir lourdement pour garantir la qualité, la sécurité et la traçabilité de ses produits. Aujourd’hui ses acteurs se placent donc davantage dans une logique de respect réglementaire plutôt que de retour sur investissement car s’ils ne se mettent pas en situation de conformité avec ces obligations, ils ne peuvent tout simplement pas vendre leurs produits », juge Patrick Legris, associé chez Argon Consulting.

 

Face à ce nécessaire respect de la loi, la question du retour sur investissement ou d’optimisation de la chaîne de valeur se pose donc à peine. Si le système de sérialisation pouvait sembler être un bon moyen de remonter aux industriels les informations de traçabilité des produits, particulièrement pertinentes sur le médicament, cette option n'a pas été retenue par l'Europe. Il n’est donc pas possible légalement d’utiliser ces données pour optimiser et contrôler les flux de leur chaîne de distribution, ce que certains déplorent : « Je ne suis pas le seul à regretter qu’il n’y ait pas de traçabilité. Elle n’aurait été à mon sens pas très compliquée à ajouter et très intéressante pour le suivi des patients », juge Gilles Aulagner, pharmacien professeur aux Hospices civils de Lyon. « Ce sont des éléments d’évolution de réglementation qui seront certainement discutés. Peut-être qu’une forme d’open data pharmaceutique va émerger d’ici quelques années, suite à la mise en place de l’ensemble de la sérialisation dans l’industrie pharmaceutique », poursuit Patrick Legris. Certains acteurs anticipent néanmoins les potentialités bénéfiques de la contrainte réglementaire : « Nous sommes encore dans la phase de stabilisation, mais je pense qu’à moyen terme il faudra en rediscuter avec tous les acteurs de la supply chain. Nous allons avoir une masse énorme de données disponibles, la question est : que va-ton pouvoir en faire ? Cela a été un projet majeur en termes d’investissement, avec un nombre significatif d’heures passées et d’équipements à installer et à qualifier. Les bénéfices de la mise en place de la sérialisation et de l’écosystème informatique en Europe sont certains pour la sécurité de la chaîne de distribution et pour les patients. Il s’agit également d'une formidable opportunité pour tous les acteurs, y compris les patients, qui en tireront d’autres bénéfices », témoigne Pascal Aulagnet, market customer engagement EMEA chez Pfizer Digital. De son côté, Jean-Christophe Fournier, directeur DSI chez Alloga Europe observe les impacts plus larges amenés par la réglementation vers la digitalisation : « Peut-être que les effets seront indirects car cela oblige certains acteurs à mettre en place des contrôles ou des échanges informatisés pour recevoir des informations au-delà du numéro de série, mais également à davantage digitaliser leurs processus, que ce soit à l’hôpital ou en pharmacie. Ces acteurs vont devoir faire évoluer leur système informatique avec des avis d’expédition électroniques par exemple, qui rendent les processus de la supply chain beaucoup plus fluides ».

 

Au-delà des coûts actuels engendrés par cette mise en conformité, certains voient, une fois les procédures parvenues à maturité, quels en seront les gains : une supply chain pharmaceutique extrêmement fiable où 100 % des flux de boîtes sont maîtrisés ainsi que des opportunités de montée en gamme technologique. L’ensemble des solutions et des investissements consentis pourraient permettre d’engager des pistes d’optimisation, insuffisamment décrites et encore peu exploitées. « Avec cette réglementation et l’ensemble des investissements réalisés par les acteurs de la chaîne, on a atteint un niveau d’amélioration et de maturité au profit de la sécurité du patient. Dans les années qui viennent, la réflexion va certainement beaucoup plus porter sur les possibilités émergentes d’utilisation de cette donnée. Cette dernière pourra notamment faciliter l’optimisation de la supply chain du point de vue de la distribution ou du pilotage des stocks », juge Patrick Legris. Une supply chain pharmaceutique à la sécurité renforcée avec un retour sur investissement une fois l’ensemble des ajustements mis en place, Christophe Carissimo, directeur des affaires publiques et du marché hospitalier chez l’éditeur Adents, ne doute pas que la sérialisation le permettra : « Non seulement, cela apportera une fiabilité à la supply chain mais également une visibilité totale d’un bout à l’autre : les prévisions, la gestion des stocks ainsi que l’anticipation lors d’un événement contraire. S’il y a une boîte abîmée quelque part dans la chaîne, on aura automatiquement, via la Blockchain, l’information en temps réel auprès du laboratoire qui sera capable de dire : “J’ai envoyé tel médicament à tel hôpital, il a eu un incident à la livraison. Je n’ai donc pas besoin d’attendre que le dossier de litige soit remonté, je peux d’ores et déjà renvoyer une boîte”. Cela va également améliorer la disponibilité des médicaments du côté du patient et de manière générale limiter les ruptures de stock ».

 

La Blockchain, outil incontournable

L’utilisation de la Blockchain basée sur la traçabilité fait ainsi partie des technologies utilisées par la société Adents, en lien avec Microsoft, afin d’augmenter la confiance et la transparence de la supply chain pharmaceutique : « Grâce à la Blockchain, on va également pouvoir associer à la sérialisation d’autres informations comme le contrôle de température. Aujourd’hui, ce n’est souvent qu’au moment de la lecture à l’hôpital que l’on s’aperçoit d’un problème de température. Avec cette technologie, on sera capable de traiter l’événement immédiatement et d’avoir une véritable maîtrise de l’ensemble de la supply chain. Et plus cette dernière est complexe, plus cela conduit à des gains », poursuit Christophe Carissimo. L’incursion de cette technologie dans l’industrie pharmaceutique fait également partie des pistes de travail du cluster Polepharma qui a mis en place un groupe de travail sur le sujet : « Nous avons un projet de consortium d’entreprises qui aura pour but de garantir l’intégrité des données présentées aux instances réglementaires. Chaque entreprise souhaitant nous rejoindre est la bienvenue, ce projet ayant pour but de se familiariser avec la Blockchain. Nous sommes persuadés qu’il s’agira dans les prochaines années d’un outil incontournable. Développer des cas d’usage et faire que nos adhérents se familiarisent avec l’outil peut être intéressant pour notre filière », explique Charlie Picard, chef de projet performance industrielle à Polepharma. La sérialisation des médicaments pourrait-elle, au-delà de la contrainte initiale, générer des effets indirects positifs en termes de digitalisation des process et d’utilisation de technologies avancées ? Sa mise en œuvre progressive se chargera à plus long terme de répondre à cette question, quitte à faire de l’industrie pharmaceutique un exemple pour d’autres secteurs.

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