Transversal
Pièces détachées et de rechange : les enjeux d'une logistique stratégique
3. L'aéronautique, un secteur aux fortes contraintes
Pour une compagnie aérienne, la maintenance représente le nerf de la guerre. En conséquence, de nombreux investissements ont été réalisés sur le sujet, et plus particulièrement sur la disponibilité des pièces détachées.
Dans l’aéronautique, la partie maintenance représenterait environ 30 % de l’activité. Et parce qu’en cas de panne, chaque minute compte, les opérateurs établissent désormais avec les équipementiers des contrats portant sur les délais de fourniture de la pièce, entre deux et quatre heures. « Les derniers mètres sont très importants pour acheminer les pièces le plus rapidement possible, notamment dans la logistique industrielle. Ces mètres coûtent très cher. Performance, réactivité et agilité doivent donc y être prépondérantes », explique Éric Sarrat, président de GT Logistics.
Un changement de paradigme
Tout comme GT Logistics, acteur de la logistique industrielle, DB Schenker s’est spécialisé dans un certain nombre d’industries dont l’aéronautique en créant une offre spéciale adressée à tous les acteurs de cette industrie : compagnies aériennes, fabricants d’avion, soustraitants, acteurs de la maintenance… « Il y a quelques années, la compagnie aérienne commandait les pièces en même temps que son avion. Aujourd’hui, les risques sont partagés entre l’opérateur et les fabricants. Les compagnies aériennes souhaitent que les équipementiers stockent leurs pièces à proximité de leurs opérations. Un changement de paradigme qui a créé une nouvelle demande chez nous. Auparavant, certains acteurs s’appuyaient sur un centre de production unique pour distribuer les pièces. Petit à petit, nous avons commencé à avoir des demandes de supports de pièces détachées pour plusieurs compagnies aériennes à partir de centres de distribution régionaux. Nous avons donc essayé de mutualiser la demande. Nous disposons désormais de plateformes importantes à Dubaï, Miami, Singapour… pour servir le monde entier. Ces différents centres de stockages permettent de mutualiser les coûts et de réduire l’impact financier sur le long terme », poursuit Charles Duchêne, head of aerospace & defence EMEA chez DB Schenker.
Vers une maintenance de plus en plus prédictive…
Des délais raccourcis, des risques partagés et de la mutualisation : les logisticiens au service de l’aéronautique redoublent d’efforts pour répondre aux fortes contraintes d’un secteur exigeant. Autre enjeu de taille, la maintenance prédictive : « Il est désormais possible de prévoir, via différents signaux, qu’une pièce sera défaillante dans les heures à venir. Nous pouvons donc anticiper les urgences – les AOG (aircraft on ground), le statut et les commandes d’une pièce (cycle d’utilisation de l’avion, heures de vol, politique d’entretien…). En fonction des besoins, cela permet de choisir le type d’acheminement approprié », détaille Patrick Boy, corporate V.P, global Head of VM Aerospace/Marine & Defense chez DB Schenker. Et des technologies comme le Big Data devraient encore accroître le phénomène, permettant de savoir au plus vite à quel moment et à quel endroit la pièce est disponible. Ainsi, l’utilisation de la donnée pourrait provoquer une montée en compétences des industriels sur la productivité des pannes et engendrer un impact sur le développement et le coût des pièces de rechange. « Les industriels ont les capacités de surveiller correctement les paramètres du moteur d’un avion et d’apporter, en fonction des besoins, une maintenance sans en faire la dépose pour l’emmener en réparation », assure Patrick Boy. « Ces dernières années, des progrès considérables ont été réalisés sur la prévision et l’analyse des flux de consommation : étude météorologique, programme industriel guidant la sortie des pièces, portage et gestion de stocks de visserie dans l’aéronautique… La pièce est désormais disponible au pied de la machine pour ne pas retarder le process de fabrication », conclut Éric Sarrat.
… et de nouvelles solutions e-commerce
Les prestataires logistiques du secteur aéronautique travaillent aussi sur le développement de solutions e-commerce. « Alors qu’ils avaient l’habitude d’avoir un large stock, les équipementiers et compagnies aériennes disposent aujourd’hui de surplus de pièces qu’ils n’utilisent pas. Différentes plateformes en ligne permettent de les vendre. Chacune d’entre elles possède un certificat de navigabilité et nécessite de très fortes dispositions en termes de traçabilité, élément incontournable de la sécurité dans le transport aérien. Des start-up émergent sur ce segment avec des solutions et des applications dédiées. Nous avons engagé des discussions très poussées avec certaines d’entre elles », confie Patrick Boy.