Innovation
Pourquoi les organisations logistiques doivent répondre à l'appel de l'IA
2. Faire apparaître l'invisible et optimiser l'execution en entrepôt
> Faire apparaître l'invisible
L’une des forces de l’IA est sa capacité à s’appuyer sur des faits, offrant de l’objectivité à la prise de décision en se basant sur l'accumulation de milliers de calculs qu’aucun être humain ne serait en mesure de réaliser. Une qualité qui permet de venir challenger des connaissances métiers et rompre avec certaines habitudes. « Nous avons tous des biais cognitifs qui ne nous rendent pas objectifs face aux évènements qui surviennent », estime Olivier Lemaître. Or, en dépassant ces préjugés, les méthodes d’analyse fines de l’IA peuvent faire apparaître des réalités qui semblaient invisibles. « Dans certaines industries, nous avons pu faire des corrélations entre des évènements externes invisibles et certains pics d’activité. Cela permet de prendre en compte des éléments qui auraient été totalement oubliés par les systèmes traditionnels », poursuit Olivier Lemaître.
Des éléments ou des dérives qui impactent la productivité peuvent être identifiés et ainsi mieux pris en compte : ruptures au picking, besoins en réapprovisionnement… « Pour un de nos clients travaillant sur des produits frais avec des problématiques de DLC courte, une analyse fine des flux en sortie d’entrepôt à permis d’améliorer la performance et de réduire la casse en révélant des process à repenser », raconte Raphaël Bertholet. La planification des ressources peut également être optimisée en mettant en lumière des données contextuelles, comme la variabilité des productivités selon les jours de la semaine. « Il y a des réalités en entrepôt que les managers savent d’instinct et que l’IA peut révéler objectivement », estime Raphaël Bertholet.
> Optimiser l'execution en entrepôt
Les apports de l’IA peuvent aussi se traduire via l’optimisation de process métiers terrains très concrets, en rapport direct avec les opérateurs, sur des segments bien précis, apportant chacun plus de productivité et une réduction des coûts. « Ce sont des sujets qui intéresseraient n’importe quel directeur supply chain mais qui n’ont quasiment jamais été attaqués par le passé, par manque de ressources ou de solutions simples. Pourtant, les leviers de performance sont là », estime Isabelle Badoc, product marketing manager chez Generix Group. C’est le cas de la préparation de palettes hétérogènes complexes par exemple. Nécessitant l’expérience d’opérateurs formés pour être optimale, cette tâche peut être facilitée par l’IA avec des systèmes capables de guider des collaborateurs peu qualifiés en leur apportant l’expertise métier qui leur manque. Autre sujet, celui du slotting, c’est-à-dire le placement des stocks dans l’entrepôt : la puissance de l’algorithme et sa capacité de calcul peuvent permettre de projeter tous les cas de figures possibles afin de déterminer les positionnements les plus pertinents pour chaque produit dans l’entrepôt. Sans parler évidemment de l’optimisation des chemins de picking selon la demande client qui peut offrir un avantage pour réduire le temps de traitement des commandes. « Nous avons travaillé avec un client sur la question de la productivité par type de produit. L’idée était de pouvoir classer les nouvelles références arrivant dans l’entrepôt dans des groupes dédiés, auxquels étaient appliqués des objectifs adaptés, afin d’anticiper le besoin en ressources. Le tout en se basant sur les paramètres de chaque produit : poids, volumes, etc. Rapidement, nous avons pu mettre en évidence pour chaque classe ce qui impactait le plus la productivité pour déployer de nouveaux process », raconte Isabelle Badoc.
Autant de sujets pour lesquels l’IA capte les activités en réel de l’entrepôt et fait figure de chef d’orchestre. « L’IA va devenir le cerveau de l’interopérabilité des opérations, aussi bien pour les opérateurs humains qu’avec des solutions automatisées ou robotiques », estime Olivier Lemaître. Chez Manhattan Associates, la solution Order Streaming vient également impacter directement les process. « Nous utilisons le machine learning pour analyser le temps demandé pour traiter chaque produit sur toutes les étapes de la chaîne. Chez un de nos clients, la problématique des ruptures en entrepôt était récurrente : des opérateurs ne pouvaient pas réaliser le picking car les approvisionnements ne suivaient pas. Avec l’aide de l’intelligence artificielle, l’ordonnancement des tâches est désormais modifié selon la disponibilité des produits », raconte Adam Kline. Aux États-Unis, l’enseigne de mode Urban Outfitters a également déployé cette solution juste avant son pic de fin d’année, et a permis de raccourcir le cycle de préparation de 30 % tout en augmentant la productivité de 20 %.
Focus
Avec Vision Insights, Hardis Group cherche à créer des jumeaux numériques
Dans le domaine de l’IA, le groupe Hardis a beaucoup travaillé sur les services cognitifs, cherchant à imiter les sens humains. Premier chantier : la vue. « Cela nous permet de répondre à des problématiques autour de la traçabilité d’assets (emballages, palettes), de l’optimisation des processus opérationnels ainsi que de la détection de situations potentiellement dangereuses (objets ou personnes mal positionnées). Le but est de renforcer la compréhension de ce qui se passe en entrepôt », détaille Damien Pasquinelli, CTO advanced solutions. Une approche que l’on retrouvait déjà avec le drone inventoriste Eyesee d’Hardis, déployé dans plusieurs entrepôts en France. Ces projets sont aujourd’hui au coeur de la nouvelle solution Vision Insights, qui utilise ces technologies de reconnaissance visuelle afin pouvoir créer des « jumeaux numériques » de situations logistiques réelles. Concrètement, ce concept repose sur l’utilisation de données terrain pour analyser et améliorer les processus, la traçabilité de bout en bout des palettes et des colis dans l’entrepôt ou l’usine. Cela concerne aussi la détection automatique de situations pouvant porter atteinte à la sécurité (AGV mal positionné, opérateur mal équipé) ou anormales (cartons mouillés, taux d’occupation incohérent). Pensée comme la première brique d’une plateforme plus globale nommée X.Insights, la solution Vision Insights, est disponible en mode SaaS. Un système déjà utilisé chez Schneider Electric pour l’automatisation de la gestion opérationnelle des priorités en temps réel sur ses quais de réception, en remplacement d'un processus précédemment manuel. Une première étape pour Hardis qui a dessiné « une roadmap complète dédiée à la supply chain dont l’objectif est d’offrir des services ayant des apports immédiats pour les gestionnaires d’entrepôts. Nous débutons aujourd’hui sur la data vision, mais avons aussi des projets dans l’IoT », précise Damien Pasquinelli.