Innovation
Pourquoi les organisations logistiques doivent répondre à l'appel de l'IA
3. Repenser son organisation
La puissance de calcul de l’IA est enfin un bon moyen de remettre en question l’organisation de sa supply chain de manière structurante et profonde. En venant tout d’abord creuser des points précis sur lesquels les équipes humaines ne peuvent parfois pas prendre de décisions par simple manque de temps. « Aujourd’hui, quelles sont les entreprises qui redéfinissent régulièrement leurs stocks de sécurité ? C’est un élément que l’on ne reprend que rarement au fil des années. De nombreux paramètres métiers restent statiques alors qu’il devrait y avoir des arbitrages constants. Or, un prévisionniste ne peut pas s’occuper de tout et risque de ne pas tenir compte d’une tendance qui affecte l’ensemble de ses produits. On passe à côté de décisions clés parce que les moyens humains, matériels ou financiers manquent », constate Olivier Lemaître.
La force d’IA est de pouvoir offrir davantage de personnalisation, avec des configurations plus précises et fines. « On peut construire des modèles performants pour des sites particuliers en tenant compte de leurs spécificités. Nous sommes moins dans la production de modules de logiciels standard que dans l’utilisation d’outils qui échangent avec les WMS et TMS pour collecter de l’information et dont les résultats de calculs retombent directement dans les outils d’exécution », raconte Isabelle Badoc. Du côté des entreprises, l’IA peut également être une révolution du point de vue RH. En effet, elle libère l’humain des actions répétitives et lui permet de se concentrer sur les tâches à valeur ajoutée. « Les métiers de planification évoluent. Nos solutions remplacent une partie des process manuels par de l’automatisation et permettent de mobiliser les équipes sur l’analyse de la performance, l’identification de process à améliorer… », précise Frédéric Ryckman
Focus
Où en est le marché aujourd'hui ?
Si beaucoup s’y intéressent, le nombre d’organisations logistiques pleinement engagées dans des projets structurants autour de l’IA pour leur supply chain reste encore modeste. Cependant, les éditeurs s’accordent à identifier une accélération des investissements dans le domaine. « La supply chain est loin d’être en retard. Évidemment, les grandes sociétés mettent davantage de moyens sur le sujet et peuvent avancer plus vite. De belles initiatives fleurissent de manière globale », estime Olivier Lemaître. D’où vient cet intérêt ? Des premiers résultats affichés dans les entreprises pionnières sur le sujet, ainsi que de l’émergence d’acteurs spécialistes capables de répondre aux défis des logisticiens : des flux devenus très hétérogènes et variables, la montée forte du e-commerce, une livraison plus rapide… Cependant, en termes d’adoption, le secteur n’en est encore qu’à ses débuts. « Le marché est pragmatique. Il n’y aura pas de big bang, mais des investissements mesurés », estime Damien Pasquinelli, CTO advanced solutions chez Hardis Group.
Un avis partagé par Olivier Dubouis, directeur général de Diagma : « La logistique est encore dans une période de R&D généralisée. Les évolutions techniques et le niveau des informations disponibles rendent possibles de nouvelles solutions, mais nous ne sommes pas arrivés à maturité. À terme, l’IA sera de plus en plus intégrée au coeur des solutions métiers ». D’autant que si des développements techniques devraient rapidement émerger dans les 3 à 5 années à venir pour offrir des solutions d’IA end-to-end, le processus de mutation des organisations se fera lui à un rythme moins rapide. « Il faudra de 5 à 10 ans pour que les entreprises du secteur atteignent de bons niveaux de prescriptivité sur les process métiers grâce à l’IA », juge Olivier Lemaître, précisant cependant que « toutes les supply chain n’auront pas besoin d’être autonomes à terme. Mais sur certains business critiques, des couches d’autonomie pilotées par l’IA seront nécessaires pour répondre aux défis à venir ».