Interview
Face à face : Henri Le Gouis, CEO de Bolloré Logistics Europe
Le groupe mondial de transport et de logistique a signé une année 2019 particulièrement dynamique, marquée par de nouveaux sites et services. Henri Le Gouis, CEO Europe du prestataire, revient sur ces projets et évoque les grands développements à venir pour Bolloré Logistics. [Entretien réalisé en janvier 2020]
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Bolloré Logistics Europe
Quel bilan tirez-vous de 2019 ?
Les résultats 2019 sont très satisfaisants malgré une conjoncture contrastée. Nous sommes sortis d’une ère de croissance naturelle des flux sur le marché mondial du commerce avec un ralentissement de l’import, surtout en provenance de Chine. Du côté de l’aérien, l’impact environnemental du transport dans le domaine du fret est questionné. Il a donc fallu s’adapter à ces volumes stables voire décroissants en créant plus de valeur avec nos solutions, en s’organisant mieux pour rester plus compétitifs et en essayant de mutualiser de plus en plus les ressources. Nous éprouvons de surcroit une difficulté croissante à trouver et à fidéliser une population qualifiée dans les métiers du transport. Cela suppose de retenir les talents et de maintenir l’engagement de nos équipes à un niveau élevé. Ce qui fera la différence sur le moyen terme, et ce sur quoi nous misons, c’est la qualité de service, avec des interlocuteurs réactifs capables d’accompagner le changement en trouvant des solutions logistiques innovantes. Pour cela, il faut créer un environnement coopératif, avec un réseau de partenaires en mesure d’offrir une solution de bout en bout, ainsi qu’une capacité à rebondir et s’adapter dans un environnement perturbé.
Comment travaillez-vous avec vos équipes pour répondre à ces objectifs ?
L’implication des forces humaines ne se déclenche pas en période de crise : c’est l’aboutissement d‘un management bienveillant, empathique, offrant de la formation afin d’être confiant dans la maitrise des outils et des techniques. Ce dernier point sera d’ailleurs une source importante d’investissements cette année. L’attractivité d’une marque comme Bolloré Logistics passe par son appartenance à un groupe familial, avec ses valeurs : engagement, excellence opérationnelle, entrepreneuriat… Les techniques et les outils évoluent rapidement avec la digitalisation mais ce qui fait sens pour nous, c’est le positionnement de notre marque « People Powered Innovation », porté par les femmes et les hommes qui composent nos équipes et donnent de la valeur à l’entreprise. Nous avons aujourd’hui des difficultés à recruter aux deux bouts de la chaîne, aussi bien des ingénieurs que des personnes en charge de la manutention et de l’exécution. Il faut donc offrir du sens à ces fonctions ; ne pas dévaloriser l’exécution et donner des perspectives d’évolution aux ingénieurs logistique. C’est cette cohérence qui nous permet d’être attractifs et de recruter. Le monde de l’entreprise doit retrouver sa place dans la société et être un pourvoyeur fort d’emplois et d’évolutions, et cela pour toutes les catégories de profi ls. Nous travaillons ainsi à une plus grande intégration de personnes en situation de handicap par exemple.
Sur quels marchés Bolloré Logistics est-il le plus actif aujourd’hui ?
Nous sommes partenaires de grands groupes internationaux, avec une proximité naturelle avec les chargeurs français, et les PME. Au total, nous avons près de 15 000 clients pour Bolloré Logistics France. Nous ne négligeons aucun marché, mais nous allons nous positionner naturellement là où l’Hexagone est forte à l’export : le luxe, la cosmétique, l’aéronautique, la défense et la pharmaceutique. Nous nous développons également sur l’agroalimentaire et le frais, ainsi que le secteur de l’automobile – qui traverse certes une passe diffi cile mais va justement avoir besoin d’un prestataire réactif pour l’accompagner dans la transformation de sa supply chain.
Quelles solutions développez-vous pour répondre aux nouvelles demandes de vos clients ?
Face à l’évolution du business et de nos clients, nous nous devons d’offrir de nouvelles prestations. C’est dans ce sens que nous avons créé l’an dernier Bolloré Solutions Logistiques, afin de répondre aux besoins de logistique in situ ou d’externalisation, dans l’aéronautique par exemple. Nous avons débuté en 2019 avec un premier client à Lyon, et un grand acteur dans le domaine de la défense suivra en 2020. Nous prévoyons une croissance de 20 à 30 % pour ce type de prestations dans les années à venir. 2020 sera également consacrée à la rénovation de notre système informatique. L’e-commerce a montré l’importance d’être également présent aussi bien dans les fl ux d’informations que dans les flux physiques, tant les deux vont de pair aujourd’hui. Cela passera donc par le déploiement mondial du TMS CargoWise de WiseTech. Déjà utilisé par plus de 80 transitaires dans le monde, celui-ci remplacera nos TMS actuels. Nous sommes également en train de faire évoluer en interne notre plateforme digitale de track-and-trace avec des modules supplémentaires. Disponible d’ici la fin de l’année, elle s’adresse à l’ensemble de nos clients, dont les PME. Pour ce type de structures, travailler avec un grand groupe peut parfois intimider. Nous essayons donc d’atteindre ces clients via un réseau d’agences offrant une proximité géographique exceptionnelle (plus de 60 sites en France), mais aussi via des solutions digitales, qui les aideront à démarrer des activités à l’export.
Comment se déploient vos investissements dans l’innovation ?
Nous avons ouvert en 2019 deux B.Lab, l’un à Puteaux et l’autre à Singapour. Ce sont des espaces de co-working et de veille technologique au sein desquels les équipes de Bolloré travaillent sur de nouveaux sujets. Grâce à ces lieux d’innovation, nous souhaitons avancer rapidement sur l’amélioration des interfaces et des conditions de travail dans une approche de digitalisation.
Où en êtes-vous de vos efforts sur la question environnementale ?
Nous visons une réduction de 43 % de nos émissions de CO2 d’ici 2027. Pour atteindre cet objectif, nous allons multiplier les initiatives : adaptation aux normes environnementales et nouvelles certifi cations – nous avons déjà reçu la mention Gold d’EcoVadis –, mise en place plus étendue du recyclage sur nos sites, renouvellement de nos flottes de véhicules afin d’aller vers des solutions gaz en attendant la maturité de l’hydrogène. Les chargeurs et les prestataires doivent prendre conscience que l’on ne pourra pas réaliser d’efforts sur ce plan sans mener d’investissements forts.
Quels sont les développements attendus sur le territoire français pour 2020 ?
Nous poursuivons le renouvellement et la rénovation d’une large partie de nos sites sur le territoire. C’est un mouvement que nous avons entamé dès 2016 avec des nouveaux bâtiments inaugurés au Havre et à Roissy. Nous avons d’ores et déjà posé la première pierre d’un futur site à Lyon en novembre 2019, près de l’aéroport, dont la livraison est prévue pour la fin 2020. Des projets de rénovation sont également en développement à Dunkerque et Rouen pour 2021.
En chiffres :
> Présent dans 107 pays
> 15 000 clients en France
> 20 600 employés sur 609 sites
> 2 millions de mètres carrés de surfaces logistiques
> 690 000 tonnes de fret aérien
> 837 000 EVP de fret maritime