Interview
Rencontre avec Stéphanie Rott, directrice production et supply chain de LVMH
Stéphanie Rott, également membre du comité exécutif de l’Aslog, rappelle les enjeux du groupe dans sa recherche de profils supply chain aux qualités analytiques et relationnelles « exceptionnelles ».
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Quels sont les profils recherchés par LVMH pour répondre aux enjeux de la supply chain ?
Nous savons que pour adresser les enjeux autour de la prévision des ventes et de la planification de la supply chain, nous avons besoin de profils qui soient autant « data focus » que « human focus » : des collaborateurs présentant des qualités analytiques exceptionnelles, beaucoup de nos maisons étant rentrées dans des programmes en advanced forecasting, et demand 4.0, mais également des qualités relationnelles exceptionnelles. Nous sommes amenés à travailler en équipe avec les ventes, la finance, le marketing, en local et en central. Nous avons donc besoin de personnalités capables de rassembler des parties prenantes qui peuvent être extrêmement divergentes, autour de scenarios communs.
Est-il difficile d’accéder à ces profils-là ?
Aujourd’hui nous avons des enjeux, des challenges passionnants sur ces thématiques-là au coeur de nos supply chain : tout le monde revoit son process de demand, son S&OP, réinvente sa planification, cherche à s’organiser de manière « demand driven »… C’est une vraie révolution en termes de prévision/planification. Notre mission est de faire savoir que ces challenges sont au cœur de nos maisons. Nous sommes en concurrence avec beaucoup d’autres entreprises pour recruter ces profils et les étudiants ne savent pas forcément que ces enjeux et ces métiers-là existent dans nos organisations car ce n’est pas ce sur quoi nous communiquons de manière institutionnelle. De plus, ils sont davantage attirés par le fait d’intégrer des start-up, des organisations qu’ils pensent plus dynamiques. C’est à nous de faire connaître les projets passionnants qui nous animent, afin d’attirer les meilleurs profils.
Quelles sont les principales qualités et compétences attendues d’un responsable logistique ?
La transformation omnicanale vient impacter le réseau de distribution et les entrepôts. Nous avons besoin de profils dotés d’une vision extrêmement stratégique car nos maisons redessinent leur distribution pour ces enjeux omnicanaux. Les entrepôts sont actuellement en pleine transformation et intègrent de plus en plus de dimensions manufacturières et d’automatisation. L’e-commerce implique du conditionnement, de la personnalisation, des activités que l’on trouve classiquement dans les ateliers de production. Ces mêmes entrepôts, pour des enjeux de productivité liés à l’omnicanal, peuvent représenter aujourd’hui des investissements de dizaines de millions d’euros. Ainsi, les responsables logistiques se doivent d’être technophiles et dotés d’une dimension IT beaucoup plus prononcée, car le paysage des solutions d’automatisation est vaste et bouge sans cesse. Il faut également posséder de belles capacités de conviction : à la différence d’une usine, quand vous investissez en entrepôt, vous investissez sur la « long tail » (les références à moins forte rotation) et vous devez pouvoir l’expliquer à votre directeur financier. Cela implique donc un certain nombre de qualités et de compétences de la part des directeurs logistiques, absolument clés aujourd’hui pour réussir.
À l’avenir, les nouveaux métiers qui pourraient apparaître s’aligneront-ils avec les enjeux environnementaux et de logistique urbaine ?
Dans la distribution, il y a effectivement tout l’enjeu autour de la logistique urbaine, de ce que nous appelons la « client delivery experience », qui représente tout un pan de l’expérience client omnicanale. Les solutions standard du marché ne sont aujourd’hui absolument pas durables que ce soit au niveau économique, environnemental ou social. Il s’agit d’inventer complètement, avec des partenaires, un service et donc des métiers autour de cette expérience de la livraison client, construite de manière extrêmement durable.
La formation s’aligne-t-elle bien face à ces nouveaux besoins ?
Quand on dit qu’on doit avoir des collaborateurs autant « data focus » qu’« human focus » mais aussi capables de comprendre les enjeux de la transformation omnicanale ainsi que l’approche « client driven », nos besoins représentent effectivement un vrai enjeu pour les écoles et les universités. La clé réside donc dans la collaboration des organismes de formations avec les entreprises, pour mettre en place des cursus adaptés aux enjeux de ces dernières. Des formations qui peuvent également se dérouler au cœur des entreprises, dans le cadre des programmes de développement pour leurs collaborateurs.
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