Interview
Économie circulaire : rencontre avec Brune Poirson
Brune Poirson, secrétaire d'État auprès de la ministre de la Transition écologique et solidaire, décrit les grands leviers et les enjeux de la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire.
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Quelles sont les principales mesures du projet de loi qui viennent directement impliquer le secteur de la logistique ?
La transition vers l'économie circulaire pleinement engagée par la loi antigaspillage implique le déploiement d'opérations de collecte séparée de déchets et parfois de logistique inversée, permettant de préserver l'intégrité et la valeur des produits après usage. La mise en place de plusieurs filières pollueur/payeur va introduire des changements importants dans la façon de collecter certains flux de déchets. On peut citer notamment à compter de 2022 : les produits ou matériaux de construction du secteur du bâtiment destinés aux ménages ou aux professionnels, les jouets, les articles de sport et de loisirs, les articles de bricolage et de jardin. Le secteur des emballages professionnels devra quant à lui mettre en œuvre sa filière pollueur-payeur avant le 1er janvier 2025. Le projet de loi comporte par ailleurs plusieurs mesures visant à réduire le nombre d’emballages en plastique qui peuvent aussi impacter le secteur de la logistique. Nous pouvons par exemple penser à l’emballage autour des fruits et légumes, à compter du 1er janvier 2022. À cette même date, les publications de presse ainsi que la publicité devront être expédiées sans emballage plastique ! Cette volonté de réduction invite les industriels à repenser leur modèle notamment de conditionnement et de stockage de leurs produits. Cela va être une source d’innovation.
Quels sont actuellement les difficultés sur le sujet et les défis à venir ?
Il s'agit de sortir de la solution de collecte de déchet en benne “tout-venant” où la massification des flux se fait en mélangeant et en dégradant les objets à collecter. Le tri à la source, appliqué à de nouveaux flux de déchets comme par exemple ceux issus des chantiers du bâtiment, suppose une organisation logistique plus sophistiquée, faisant appel à des solutions de reprise personnalisées par flux. Les outils numériques actuels permettent d'avancer dans cette direction, en créant de nouveaux métiers consistant à venir chercher les déchets sur chantier. De nouvelles solutions logistiques sont déjà en place afin de réduire le gaspillage alimentaire lié aux invendus des supermarchés, afin de les valoriser via des associations caritatives vers les publics en difficulté. Avec la loi qui vient d’être votée, ces solutions vont s'étendre au secteur de la restauration collective. L'efficience des solutions logistiques, incluant le respect de la chaîne du froid, est un facteur clé de succès dans cette mise en œuvre. Enfin, la réduction à venir des emballages à usage unique, en particulier ceux en plastique, suppose un développement massif des solutions de réutilisation et réemploi. Cela se fait déjà dans l'emballage industriel avec par exemple des palettes multirotation plutôt que des palettes perdues. L'un des défis à relever concerne l'évolution des modes de consommation par les Français. On peut penser par exemple au sujet de la consigne pour réemploi, où la logistique de proximité liée aux contenants vides et à leur lavage, revêt des enjeux organisationnels importants. Ainsi, il faut dédier, dans les points de ventes, des surfaces au retour des emballages vides et gérer efficacement leur enlèvement. Là aussi, il faudra s’aider des outils numériques.
> À lire également, notre dossier : Économie circulaire : la transition logistique en marche.