Interview
Sébastien Lefebure, DG Europe du Sud de Manhattan Associates : « La priorité, c'est la continuité de l’activité »
Accompagnant ses clients pendant la crise du Covid-19, l’éditeur Manhattan Associates observe différentes stratégies du côté des acteurs de la distribution et du retail afin de maintenir l’activité. Sébastien Lefebure, son directeur général Europe du Sud, évoque les évolutions récentes et les perspectives de sortie de crise pour le secteur.
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Manhattan Associates
Comment accompagnez-vous vos clients face à cette crise ?
Chez Manhattan, nous avons actuellement plus de 3 000 personnes en télétravail qui continuent à accompagner nos clients dans leurs projets et leurs opérations au quotidien. Ceux-ci se présentent sous trois typologies : ceux qui ont une activité critique – principalement dans la distribution alimentaire, pharmaceutique – pour lesquels nous avons monté une équipe support dédiée, capable d’offrir une réactivité maximale pour pallier parfois des absences dans leurs équipes support en propre. Nous avons également des clients à l’arrêt ou ayant ralenti leur activité, mais pour lesquels, sur les deux dernières semaines, une vision plus claire de l’après-crise s’est dessinée – certains en profitent ainsi pour travailler sur des sujets d’amélioration continue ou des projets de transformation. Mais nous observons aussi des entreprises qui souffrent de la crise, dans la mode par exemple, et sont beaucoup plus fragilisés, avec des investissements parfois repoussés à plus tard. Dans l'e-commerce, on voit des acteurs mettre en œuvre de nouveaux process car la demande et le niveau de réactivité ne sont plus les mêmes, surtout quand la disponibilité des équipes n’est pas optimale. Dans ce cadre-là, nous sommes amenés à les aider sur des process d’amélioration continue pour réagir à cette situation et mettre en œuvre de nouveaux process.
Quels sont les besoins qui ressortent en ce moment ?
Celui de la continuité de l’activité. On le voit dans la demande pour l’omnicanal : en fonction des contraintes de distribution (ouverture des magasins, des entrepôts, activité des transporteurs), il s’agit parfois de trouver et d'adapter de nouveaux sites pour préparer des commandes, tout en paramétrant les différents circuits de distribution et de traitement de commande. Nous sommes amenés à aider des clients face à des augmentations de volume qui, pour certains, sont multipliés par dix dans l’e-commerce. Cela perturbe les organisations et nécessite le soutien des équipes Manhattan. Nous avons échangé avec deux distributeurs la semaine passée en Europe du Sud sur des approches qui vont toucher à la résilience et l’agilité de la supply chain : être capable de traiter les commandes e-commerce en plusieurs points dans la chaîne, et pas seulement depuis des entrepôts, tout en étant en mesure de réaliser des préparations directement depuis des magasins, où des stocks est parfois resté en attente, ou depuis des points de stockage plus proches des centres urbains. Une supply chain organisée autour de la réduction des coûts et des délais a pu négliger cet aspect de résilience. Les marques et les industriels qui travaillent avec un grand centre de distribution unique au niveau mondial peuvent se retrouver, en fonction de la localisation de ce centre, dans des situations difficiles. De facto, il y aura un effet à long terme sur ce type de supply chain pour les rendre plus résilientes au moment de leur modélisation. De manière générale, toutes les marques qui se sont lancées tôt dans des projets autour de l’omnicanal ont un coup d’avance dans leur capacité à s’adapter à ce type de situation, en utilisant n’importe quel point de stockage pour trouver des solutions de continuité d’activité et de service client.
Comment envisagez-vous la reprise future ?
À très court terme, pour les supply chains arrêtées, le focus portera sur la sécurité des employés afin de s’assurer que l’activité puisse reprendre sans risque, le rétablissement du service avec une attention forte portée sur son niveau, et l’écoulement des stocks. Plusieurs de nos clients accélèrent sur leur programme de transformation, avec des changements de WMS : ils se disent que c’est le bon moment car ils s’attendent à des pics d’activité plus fort dès cet été. Après, il faudra penser à la résilience et mieux anticiper des scénarios de continuité d’activité et des solutions de secours dans des circonstances similaires. J’ai pu échanger avec un distributeur de produits de beauté qui aurait pu, dans le contexte actuel, ralentir sa stratégie omnicanale, mais il décide au contraire de l'accélérer. À moyen terme, la modélisation sera également au cœur des réflexions. Sur certains produits, il va y avoir une refonte complète des stratégies de gestion de stock et des stocks de sécurité, et plus généralement de sourcing pour les références ayant des risques de pénurie. On observe aujourd’hui des arrêts sur les chaînes de production dans l’automobile causés par la supply chain d’un des fournisseurs ayant une seule usine au niveau mondial dont l'activité a cessé. Ce type de scénario va être analysé. Plus positivement, je pense que cette crise a fait la preuve de l’agilité et des ressources de la supply chain. Au sein de Manhattan même, personne n’aurait pu croire que nous aurions été capables de réaliser des mises en production à distance en période de confinement, et pourtant, c’est le cas. Nous avons un distributeur au niveau mondial dont les entrepôts e-commerce ont dû fermer pour des raisons d’absentéisme et qui a pu, en quelques jours, activer du ship-from-store depuis ses magasins – ce qui n’existait pas auparavant – pour continuer à avoir une activité e-commerce, synonyme de survie. Il a pu le faire avec le soutien des équipes Manhattan.