Interview
Crise sanitaire : le Groupe Rocher affûte son organisation omnicanale
Jean-Louis Lamidon, directeur logistique du Groupe Rocher, revient sur les différents épisodes de la crise sanitaire et la manière dont le groupe a ajusté son organisation logistique pour être en mesure de répondre aux besoins des magasins Yves Rocher et des commandes e-commerce.
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Groupe Rocher
Quelles leçons du premier confinement avez-vous tirées pour affronter le second ?
Lors du premier confinement, l’enjeu prioritaire dans une vision court terme a été de maintenir une polyvalence de nos équipes sur les différentes activités logistiques. Nous avons deux entrepôts sur notre site de La Gacilly (56), l’un plutôt dédié aux magasins physiques [680 en France sur le périmètre Yves Rocher], avec un mode de préparation en chariot, l’autre à la partie VAD (vente à distance), VPC (vente par correspondance) et e-commerce [plus de 1500 références sur le site] avec un process mécanisé. Lors du premier confinement, du fait de la fermeture des magasins en France, nous avons transféré du personnel d’un entrepôt vers l’autre mais cela nous a demandé un peu de temps pour la formation. Lors du second épisode confiné, nous avons donc fait en sorte de conserver ce dispositif pour permettre à tous les opérateurs d’intervenir sur un site ou l’autre. La deuxième leçon retenue, c’est la nécessité de s’appuyer sur un réseau logistique plus résilient et de penser cette résilience à un niveau global plutôt que local pour que, si jamais un de nos sites en Bretagne venait à fermer, nous puissions trouver des solutions avec d’autres centres en Europe. Nous avons lancé une démarche d’étude de nos réseaux logistiques de manière à redéfinir notre organisation globale. Nous devrions avoir les résultats de cette étude d’ici un peu moins d’un an et nous déploieront les changements qu’ils impliquent dans les trois à cinq années. L’objectif est de bénéficier d’un système qui, d’un point de vue physique et informatique, nous donne suffisamment d’agilité pour être en capacité de garantir le service quels que soient les perturbations sur le réseau physique.
De quelle manière a évolué le canal e-commerce ces derniers mois ?
Nous avons la chance d’être nativement omnicanal et de disposer d’une organisation assez agile, avec une logistique en France intégralement internalisée. Ces derniers temps, nous avons maintenu une activité très forte sur la partie VAD [pour les marques Yves Rocher, Dr Pierre Ricaud et Daniel Jouvance], notamment e-commerce - lors du premier confinement, nous étions proches de 100 % de croissance -, ce qui a permis de ne pas activer, sur la partie logistique, de chômage technique. Post confinement, la tendance s’est un peu ralentie sur le e-commerce, mais nous avons tout de même enregistré une progression de plus de 50 %. Sur le second confinement, cette croissance sur le digital s’élève à plus de 100 % mais l’accélération s’est faite immédiatement, tandis que sur le premier, il y avait eu un effet de stupeur la première semaine conduisant à un arrêt très net de l’activité avant une augmentation croissante.
Comment les process logistiques ont-ils été restructurés pour cette fin d’année entre magasins et e-commerce ?
Les modèles de consommation ont été ajustés sur la base de la révision des prévisions commerciales au moment de l’annonce du second confinement, en se basant sur l’historique du premier. Notre pilotage s’est avéré assez juste, à plus ou moins 5 % par rapport aux prévisions, ce qui est vraiment bien dans ce contexte ! Sur la gestion de l’inventaire et des disponibilités de produits, nous n’avons ainsi enregistré aucune rupture, ni problème d’approvisionnement. Nous avions anticipé une très forte croissance sur le mois de novembre, accentuée avec le Black Friday. Nous sommes donc montés en capacité à partir de fin octobre de manière à roder notre organisation pour pouvoir absorber ce pic d’activité de fin novembre. Notre stock central sur le site de La Gacilly (56) constitue le stock primaire du groupe pour le monde entier, dédié à approvisionner l’ensemble des autres centres de distribution. Il gère l’allocation des stocks soit vers les magasins, soit vers l’e-commerce à travers deux sites qui sont situés à trois kilomètres l’un de l’autre. Nous pouvons donc facilement redéployer les stocks en fonction de la consommation et être en mesure du jour au lendemain de changer les allotements, et de réapprovisionner le centre d’activité VAD dans la journée.
Le Groupe Rocher a-t-il dû faire face à des problèmes logistiques spécifiques sur ce dernier trimestre ?
Non, le premier confinement était relativement frais et l’équipe était rodée, donc la mise en route a été assez facile. Et pour pouvoir absorber la cadence supplémentaire sur les chaînes de préparation de commandes, nous avons fait appel à du personnel de nos centres de production. Nous avons en effet des usines à proximité où nous avons ralenti la cadence sur certaines lignes de produits pour lesquelles nous disposions de suffisamment de stock, les volumes perdus en magasin n’ayant pas été totalement compensés par le e-commerce. Nous avons également pris des renforts en intérim pour assurer les livraisons, et sommes parvenus à des taux de service très corrects, en visant une garantie de livraison à J+1 pour les commandes reçues dans la journée. Nous avons également travaillé tous les samedis ainsi que le dernier dimanche de novembre pour pouvoir maintenir ce service, et ne pas être déceptifs sur les commandes e-commerce, dont une partie concerne de nouveaux clients et clientes que nous souhaitions fidéliser. Le seul bémol concerne un de nos transporteurs dont le réseau s’est retrouvé congestionné par les volumes du Black Friday sur le BtoC, ce qui a pénalisé une partie des livraisons de messagerie. Nous avons dû compenser avec notre deuxième transporteur.
Comment appréhendez-vous ces dernières semaines de décembre au niveau de votre activité ?
Nous restons sur des volumes très importants, supérieurs à ce que l’on avait en prévision initiale. La réouverture des magasins le 28 novembre n’a pas ralenti autant qu’au printemps dernier les flux e-commerce. Nous sommes donc aujourd’hui en forte activité sur nos deux sites (VAD et magasin), avec des volumes bien au-dessus de l’année dernière, nécessitant une anticipation des approvisionnements de manière à avoir des stocks importants pour les week-ends, qui enregistrent une forte activité. Dans ce contexte, nous pouvons compter sur nos partenaires historiques qui répondent aux besoins sur la partie transport notamment, avec la mise à disposition de remorques supplémentaires et des ramasses doublées dans la journée de manière à éviter de congestionner nos sites et de lisser l’activité sur leurs plateformes de cross-docking. L’engagement de nos équipes est un atout sur cette période. Leur flexibilité et capacité à s’adapter à de nouveaux rythmes et process de travail est un vrai facteur de succès.