Interview
Entretien avec Guillaume Péard, président de Kuehne+Nagel France et Maghreb
Président de Kuehne+Nagel France et Maghreb depuis janvier 2020, Guillaume Péard aura connu une première année mouvementée à la tête des deux territoires. Dans sa première interview depuis sa nomination, il revient sur les conséquences de la crise sanitaire, ainsi que sur les grandes tendances identifiées par le prestataire supply chain mondial pour les années à venir.
©
Kuehne+Nagel
Votre prise de poste s’est faite dans des conditions un peu particulières. Comment s’est passée cette première année de présidence ?
J’ai rejoint Kuehne+Nagel depuis maintenant 10 ans, avec une longue expérience à la tête de la division route dont j’avais assuré la direction générale – et j’ai plus de 30 ans d’expérience dans le transport et la logistique. Mon arrivée à la présidence des activités en France et au Maghreb est donc le signe d’une volonté de continuité et de stabilité managériale, et je pense que mon expérience a été un vrai atout dans les premiers mois de l’année 2020, qui ont tout de suite été tournés vers la gestion de crise. Quand la pandémie a frappé la France, nous étions déjà en alerte du côté de nos activités en Asie et nous avons pu nous préparer face à la volatilité du marché. Nous sommes entrés dans un monde où l’adaptabilité est le maitre-mot, avec la nécessité d’une forte flexibilité et d’une écoute de nos clients. Après avoir œuvré très rapidement pour assurer la sécurité de nos équipes sur nos sites, notre action prioritaire a été d’assurer la continuité d’activité. La crise a touché tous nos métiers mais de manière différente en fonction des activités et des modes de transport : des variations fortes sur le transport aérien et maritime, mais aussi sur la route pendant le premier confinement, ainsi que sur les activités de logistique de certains secteurs. La crise a clairement permis de constater que le transport et la logistique étaient stratégiques, et qu’un partenaire comme Kuehne+Nagel était essentiel pour gérer les grandes variations d’activités liées à la pandémie, avec des arrêts brusques pour certaines et des accélérations sur d’autres. Cette crise nous aura amenés à être encore plus proches de nos clients et de leurs besoins.
Comment avez-vous pu vous adapter face à la crise ?
En utilisant par exemple le caractère multimodal et international de notre entreprise. C’est le cas avec des solutions qui mêlent aérien et maritime, afin de réduire à la fois les coûts avec le bateau et utiliser l’avion pour accélérer les trajets. Le tout pour être en mesure de répondre aux contraintes de disponibilité. Face à des modifications sur la supply chain, certains clients ont également nécessité des surfaces de débord, et nous avons été en capacité de leur offrir ces espaces. Dans l’aérien toujours, rapidement en tension avec l’arrêt des vols passagers, nous avons pu mettre en place un plan de transport fondé sur des avions cargo permettant d’assurer la continuité de service. Nos équipes ont été flexibles pour imaginer des solutions nouvelles. Ce sont des éléments que nous avons développés en 2020 mais qui se prolongent aujourd’hui, alors que la sortie de crise demeure incertaine. Un sujet également abordé suite à cette pandémie porte sur la relocalisation et l’évolution des sourcings, particulièrement face aux dépendances françaises ou européenne sur certains produits stratégiques. La crise des masques a pu le montrer. Il s'agit donc d'un enjeu crucial pour les années à venir, avec des stratégies d’approvisionnement repensées en profondeur, et nous voulons là aussi mettre en valeur notre présence mondiale et notre caractère multimodal pour accompagner ces transformations.
Quels projets l’entreprise a-t-elle pu mener en 2020 ?
Même si elle a été marquée par la pandémie, 2020 n’a pas été une année figée ou à l’arrêt pour le développement de l’entreprise, mais très constructive dans nos efforts de transformation des organisations. Cela passe par de nouveaux bâtiments, tels qu’un nouveau site de 70 000 m² à Verrières-en-Anjou (49), près d’Angers, pour approvisionner les magasins de notre client Action dans la région – le site a ouvert au mois d’octobre. Une de nos principales agences sur la division route à Villefranche-sur-Saône (69), victime d’un incendie accidentel en 2019, a pu quant à elle être rouverte en novembre 2020 dans un bâtiment neuf, avec des normes environnementales élevées et à proximité d’une station- gaz, idéale pour tester de nouveaux types de motorisations. Nous avons également continué à recruter, avec 800 personnes supplémentaires en CDI et en CDD dans nos équipes, et avons également mis l'accent sur l’intégration d’alternants pour offrir des ouvertures aux jeunes talents sur nos métiers (avec l’objectif atteint de 250 alternants, soit une hausse de 10 %).
Quels sont les grands axes de développement de Kuehne+Nagel pour les années à venir ?
Tout d’abord, la question environnementale. La durabilité fait partie des préoccupations de nos clients, petites ou grandes entreprises. Le transport et la logistique doivent être conscients de leurs impacts. Nous nous devons donc de proposer des solutions plus vertueuses. En établissant des mesures tout d’abord, avec des technologies qui nous permettent d’être précis sur nos impacts environnementaux (CO2, eau, déchets). Ensuite, en réduisant notre empreinte carbone, avec des énergies alternatives pour la route, ou des outils digitaux comme seaexplorer pour le maritime afin d’optimiser les trajets. Enfin, en compensant les émissions restantes. Nous avons lancé le projet Net Zero Carbon, un programme fort qui nous a permis d’atteindre dès 2020 la neutralité carbone sur les scope 1 et 2 [émissions directes et émissions indirectes liées aux consommations énergétiques], et qui vise la neutralité sur le scope 3 [autres émissions indirectes le long de la supply chain] d’ici 2030. Nous avons également des développements forts du côté de la digitalisation. La qualité des données échangées entre un prestataire et son client détermine souvent la qualité de la prestation. Il y a donc une accélération, d’autant plus dans ce contexte de crise, de l’utilisation de nos plateformes digitales. Et cela est vrai également pour l’usage des outils digitaux en interne, au-delà du télétravail, pour des questions de facturation, de ressources humaines ou de communication. Cela amène de nouvelles façons d’interagir avec nos collaborateurs, nos partenaires et nos clients. C’est une tendance forte et différenciante pour notre organisation. Pendant la crise, nous avons notamment observé +145 % d’utilisateurs de notre plateforme myKN. De manière générale, nous sommes relativement optimistes pour 2021. Dans ces moments difficiles, nous avons su être résilients et nos équipes ont beaucoup appris. La richesse de nos métiers nous permet d’être confiants, tout en gardant une grande vigilance face aux évolutions.