Portrait
Jean-Thomas Schmitt, DG d'Heppner : le transport en filiation
Directeur général d’Heppner depuis 2015, Jean-Thomas Schmitt a finalement suivi les pas de son père, Jean. Une histoire de famille simple mais pas toujours évidente. Retour sur le parcours d’un homme volontaire.
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Heppner
Il représente la quatrième génération d’une société familiale fondée en 1925. C’est dire le poids de l’héritage que porte Jean-Thomas Schmitt sur les épaules après avoir repris les rênes d’Heppner en 2015, faisant suite à son père, à la tête de l’entreprise de transport durant 50 ans. Et pourtant, la transmission professionnelle entre les deux n’était pas innée. « Je ne me suis jamais dit : “Je dois absolument travailler dans la boîte familiale”. Mon père m’y a pris en stage mais l’objectif était davantage de me donner le goût du travail, de me faire connaitre un univers, dans un esprit de culture de l’effort. J’ai donc travaillé dans l’entrepôt, puis au service affrètement », introduit Jean-Thomas Schmitt, directeur général d’Heppner. Si à 17 ans, ce dernier discute parfois avec son père Jean de l’entreprise, il ne réalise cependant pas ce que ce que représente la responsabilité de chef d’entreprise et ne se positionne pas en « candidat naturel » à la succession : « Mon père parvenait à laisser ses soucis en arrivant à la maison. Je n’ai pris conscience de tout cela qu’en intégrant l’entreprise. À mon tour, j’essaie de laisser mes préoccupations professionnelles à la porte de chez moi. En revanche je ressens le poids de la responsabilité d’une société qui évolue et où les challenges sont nombreux ».
Parmi eux, les problématiques de réchauffement climatique, de développement durable et d’émissions de GES du transport que Jean-Thomas Schmitt prend encore davantage au sérieux depuis qu’il est devenu père : « J’ai deux enfants, bientôt trois, et cela a forcément développé ma sensibilité en la matière. J’ai le sentiment de plus en plus prégnant que nous devons agir et pour cela j’ai fait évoluer mon approche », admet-il. Une évolution et une prise de recul que sa sœur, Clara, directrice générale déléguée de l’entreprise, note également : « Il a démarré avec des missions difficiles, beaucoup de pression. Il a dû prendre tout cela à bras le corps, beaucoup travailler mais selon les situations, avec la fatigue, il n’a pas toujours été prêt ou armé. Depuis, il a évolué, il gère mieux ses émotions et prend les choses avec plus de recul », souligne-t-elle. « Il est passionné de tout ce qu’il fait, un peu nerveux, mais plus le temps passe et moins il est impulsif. Surtout, il a les épaules pour gérer tout cela. Être “fils de” est difficile. Il arrive à s’affirmer et aujourd’hui les résultats parlent d’eux-mêmes », corrobore son ami Franck Astruc.
Ajuster le fond et la forme
Car après trois ans de prépa et un master en finances à l’Edhec, Jean-Thomas décide de rejoindre son père. 43 ans les séparent et il doit d’abord se former en transport avant d’envisager de reprendre l’entreprise : « J’ai développé une espèce de schizophrénie, entre l’excitation de le rejoindre et une trouille bleue à l’idée de ne pas être à la hauteur, de ne pas avoir la légitimité. Je suis donc arrivé avec un sentiment de devoir avant que, finalement, l’envie prenne le pas », se souvient-il. Jean-Thomas démarre comme adjoint du directeur général aérien et maritime de l’entreprise sans réussir à trouver sa place. Il saisit quelque temps plus tard l’occasion de faire ses preuves à Lille sur un sujet difficile. Le jeune homme relève le défi, se prend au jeu et revient en région parisienne pour de nouvelles missions de cet ordre : « Restructuration, premières expériences avec les syndicats… À la fois parce que j’ai beaucoup travaillé et parce que je portais mon nom, j’ai parfois pris des décisions très dures dans l’entreprise et mon père m’a accordé sa confiance. Seulement, à 25 ans, vous commettez des erreurs et des maladresses. Très honnêtement, j’en ai fait. Si je le pouvais, je ne changerais pas le fond, mais la forme. Après toutes ces expériences, j’ai finalement atteint la direction générale en 2015 », témoigne-t- il.
Beaucoup d’implication dans l’entreprise, peu de distraction, Jean-Thomas a peu de temps pour voir ses amis et rencontrer du monde. « Cela a été beaucoup plus difficile pour lui de reprendre la société plutôt que d’en bâtir une nouvelle, de partir de quelque chose et de ne pas le détruire. Mais Jean-Thomas ne lâche rien », soutient Franck Astruc. Alors forcément, lorsque sa mère se met en tête de lui faire rencontrer la fille d’une amie, Jean-Thomas refuse net, faute de temps. Et pourtant, c’est bien via cette entremise qu’il rencontre finalement son épouse et la mère de ses enfants : « Ma mère a insisté jusqu’à ce que j’accepte de me libérer. C’est finalement la rencontre la plus absurde et la plus belle de ma vie », sourit-il. Marié, chef d’entreprise, le jeune dirigeant d’Heppner a parfois besoin de se ressourcer, loin de l’agitation parisienne. Il file alors en Alsace, dans le chalet familial où il allait, enfant, avec sa sœur. « Tout cela est naturel, il s’y repose, s’y ressource. Au quotidien, il a une vie hyper rythmée, sans une seconde à lui. L’Alsace représente un moyen de sortir du tourbillon, de se mettre sur pause. Jean-Thomas a très bien su s’entourer, il peut disparaitre quelques heures le week-end, personne ne va l’appeler pour une décision stratégique. Cette prise de recul est ultra bénéfique, elle permet de revenir plus armé, plus réfléchi », explique sa sœur.
Heppner, une passion familiale
Cet équilibre et cet apaisement dans sa vie professionnelle et personnelle, Jean-Thomas Schmitt les redécouvre également avec son père. Ensemble, ils partagent une vision passionnée du transport, de l’entrepreneuriat, un engouement qu’il a parfois été difficile de gérer alors que les deux hommes travaillaient ensemble : « Nous avons eu des moments de joie immense mais aussi de tension. Cela a été sain pour l’intérêt supérieur de l’entreprise mais pas pour notre relation personnelle qui a forcément été impactée. Lorsque que l’on parle en permanence d’un sujet économique, de conduite des affaires, d’enjeux stratégiques, cela crée de la distance. Mais il a été un président extraordinaire : il m’a accompagné, écouté, corrigé, et soutenu. J’ai eu une chance inouïe, et maintenant que ce président est parti, je retrouve un formidable père », confie Jean-Thomas Schmitt. Cette passion familiale, qu'il partage aujourd’hui avec sa sœur, perdure. En ligne de mire pour la fratrie ? Une feuille de route bien remplie entre transformation digitale, transition écologique volontariste et développement humain. Un vaste programme que Jean-Thomas devra mener de front avec l’arrivée d’un troisième enfant tout prochainement, peut-être le futur visage de la cinquième génération à la tête d’Heppner.