Portrait
Léa Got, co-fondatrice d'Hipli
Léa Got, 32 ans, co-fondatrice d’Hipli, start-up française commercialisant un colis réutilisable plus de 100 fois, a pour habitude d’aller au bout des choses. Et c’est sans doute cette persévérance qui lui permet de développer, avec son associée Anne-Sophie Raoult, une entreprise à l’avenir porteur. Retour sur un parcours atypique.
©
Vincent Rustuel - Angels’Sea Studio.
Chaque week-end, chaque vacances, Léa, jeune étudiante de 20 ans, enfile sa tenue pour aller à la plage. Mais pas pour se délasser. Exit le short et le maillot de bain, ce sont davantage des vêtements chauds et surtout imperméables que Léa emporte avec elle, car elle est monitrice de voile en Normandie, à quelques pas d’Étretat et du Havre. Si le soleil y brille régulièrement, le crachin et la fraîcheur sont aussi monnaies courantes dans la région normande. Mais peu importe, Léa est passionnée de voile depuis qu’elle est petite et elle a envie de transmettre son savoir à tous : enfants, adultes, personnes en situation de handicap… Elle tient cela de son père, lui aussi moniteur. C’est d’ailleurs cet amour pour la voile qui l’a poussée, quelques années plus tôt, après son bac, à quitter ses études pour en faire son activité principale. Un métier qui l’occupera à temps plein durant trois ans, de 17 à 20 ans : « La voile est une passion très chronophage, j’en ai fait des années et je voulais aller au bout de l’expérience, en faire mon métier. C’était très dur mais aussi très formateur dans la façon de synthétiser les informations, d’intéresser les gens… Ce fut presque une première étape de management. Malgré tout, je ne me voyais pas faire cela sur le long terme, j’ai toujours aimé les études, et je ne me sentais frustrée de pas être allée au bout. J’avais 20 ans et encore largement le temps, je suis donc retournée à l’école », raconte Léa Got.
Pour sa reprise d’études, Léa quitte la Normandie et se lance dans une école de commerce. En 2010, elle entre à l’ESCP Europe pour un master en management à Paris et Madrid. La machine est lancée. Comme pour la voile, Léa ira au bout, voire beaucoup plus loin, puisqu’elle enchainera par un master en management de projet à HEC Paris et un master projet innovation conception au sein de l’École polytechnique, à Palaiseau, en banlieue parisienne. « J’étais à la recherche de stimulation intellectuelle. Je venais aussi en apprendre plus sur l’aspect entrepreneurial et les innovations dans les services. J’ai toujours été à la recherche d’idées et de projets. J’observe constamment ce qui fonctionne, ce qui fonctionne moins, ce que les gens disent de tel ou tel produit, avec l’envie de trouver des solutions à des problèmes donnés », se confie la cofondatrice d’Hipli. Durant sa formation, Léa continue de travailler comme monitrice durant ses weekends et ses vacances, pour se faire plaisir, mais aussi afin de financer ses études et rembourser son prêt étudiant.
Une idée, une rencontre et un succès à la clé
Le travail paie. À sa sortie d’école en 2014, Léa intègre le groupe Safran comme coordinatrice en amélioration continue. Elle a un impératif : rejoindre son mari en Normandie. Elle travaille donc au Havre et découvre un poste, mais aussi et surtout un univers qui l’attire, celui de l’industrie. Elle y reste trois ans, y évolue sur un projet de big data puis est recrutée par le fondateur d’une start-up spécialisée sur cette technologie. Elle démarre chez Saagie en 2017, comme business developper. Elle apprend à vendre une offre et à rendre clair des sujets complexes : « J’ai adoré cela ! Au bout d’un an et demi, j’ai endossé le rôle de product manager, j’ai alors abordé la stratégie produit/marketing », explique-t-elle. Petit à petit, Léa intègre alors toutes les facettes commerciales et marketing de l’entreprise. Mais à l’été 2019, alors qu’elle officie en télétravail, Léa a une idée : créer une entreprise de colis réutilisables. Une pensée qui lui vient après une commande où la jeune femme reçoit un colis très grand, rempli de cales et d’air, pour un tout petit produit : « Comme d’autres, je l’ai stocké. Je ne voulais pas le jeter dans la poubelle jaune, on parlait beaucoup à cette époque de la crise de recyclage et certains pays d’Asie refusaient désormais d’accueillir nos déchets. J’ai donc fait le constat de ce colis trop volumineux et de son incertitude à être recyclé ».
Ce constat, Léa, le transforme en concept, celui d’Hipli, qu’elle développe avec Anne-Sophie Raoult. Depuis quelques temps, les deux jeunes femmes partagent le même espace de coworking, s’écoutent passer de nombreux coups de téléphone, échanger sur leurs fonctions respectives. D’un côté il y a donc Léa, discrète et persévérante, spécialisée dans le commerce et le marketing. De l’autre, se trouve Anne-Sophie, plus extravertie, experte de la supply chain et des achats. À force de se côtoyer, les deux femmes finissent par échanger. Elles se conseillent, suivent leur progression professionnelle jusqu’au jour, où très naturellement, elles se décident à fonder ensemble Hipli, une start-up française commercialisant un colis réutilisable plus de 100 fois : « Je ne cherchais pas spécifiquement à m’associer, je partageais mon excitation autour de ce projet et elle avait toujours des remarques extrêmement pertinentes. Cela s’est fait naturellement. À un moment, nous avons réalisé que nous bossions ensemble », entame Léa Got. « Aujourd’hui encore, impossible de savoir qui a demandé à qui de s’associer. Léa me soutient qu’elle me l’a demandé, je soutiens le contraire et comme nous sommes toutes les deux à peu près certaines de nos versions, nous avons décidé de laisser couler », s’amuse Anne-Sophie Raoult. « En tout cas, nous nous sommes réunies et avons associé nos expertises : la mienne tournée vers la supply chain et la sienne, axée commerce et marketing. Nous sommes différentes mais c’est notre force. Je suis sans doute trop positive, Léa parfois peut-être trop prudente. À nous deux, nous trouvons le juste équilibre. Nous avons appris à accorder nos visions complémentaires, à bien se comprendre et finalement, à force d’être tout le temps ensemble, nous n’avons parfois plus besoin de nous parler ! Notre complicité professionnelle nous permet de dépasser les mots », analyse-t-elle.
Donner vie à un concept simple
Très vite, elles développent Hipli avec la sensation que ce concept simple en apparence – pourtant complexe à mettre en œuvre – séduira. Et elles ne s’y trompent pas. Les deux associées, fortes de leur complémentarité, parviennent rapidement à intéresser de grands noms parmi lesquels Cdiscount ou bien encore La Poste. Elles développent la société presqu’aussi rapidement qu’elles ne donnent naissance à leurs enfants respectifs, étant toutes les deux enceintes au moment de la naissance d’Hipli ! « Nous avons tout de suite été très claires sur la façon dont nous avions envie de vivre notre maternité, de s’accorder une liberté. Être femme ou maman n’est pas un sujet. Cela nous a seulement contraintes à écrire de nombreux process de fonctionnement dès le début de l’aventure et à rapidement rechercher des collaborateurs. Aujourd’hui, ce besoin urgent de transmettre le savoir a été une force. Cela nous a appris à déléguer », soutient Anne-Sophie Raoult. Lancé le 1er juillet 2020, Hipli compte désormais 17 collaborateurs et a convaincu 350 marques. Plus encore, l’entreprise revendique des chiffres clés en matière de durabilité : 83 % d’impact carbone en moins sur un carton et 25 kilos de déchets évités par colis. « Les choses bougent, la France a été l’un des premiers pays à lancer un tarif sur le colis réutilisable, nous sommes à présent en discussions avec d’autres pays. Au mois d’octobre, nous allons également lancer une nouvelle offre, en complément. Par le biais de partenariat avec des transporteurs, il sera possible de réutiliser des colis entre particuliers », termine Léa Got.