Portrait
La double casquette d’Eric Payan, DSI et CDO de Bosch Rexroth
En qualité de directeur des systèmes d’information de l’usine Bosch Rexroth de Vénissieux (69), Eric Payan dispose d’une connaissance pointue des technologies utilisées sur ce site. Nommé début 2015 CDO de la filiale du groupe Bosch, il s’affaire désormais à utiliser ce savoir pour améliorer la productivité et la qualité de vie des employés. Un pied dans les logiciels et l’autre sur le terrain, Eric Payan est alerte sur toutes les solutions (informatique, production, logistique…) pouvant faire avancer à grands pas son entreprise dans l’ère de l’industrie 4.0.
En 25 ans d’expériences au sein du groupe Bosch, Eric Payan s’est constitué un solide bagage technique, indispensable à la bonne supervision de chantiers de transformation numérique. Entré il y a six ans chez Bosch Rexroth, filiale du domaine d’activités « techniques industrielles » de la multinationale allemande, en tant que directeur des systèmes d’information, il a depuis évolué en cumulant la charge de chief digital officer. « Ma nouvelle responsabilité est arrivée en même temps que la stratégie industrie 4.0 du groupe Bosch, introduit Eric Payan. J’ai alors dérivé vers une fonction de CDO, ce qui fait je suis aussi celui qui traite de tous les sujets du numérique à l’intérieur de l’entreprise. L’un des piliers de la stratégie consistait à dire que les idées doivent venir des usines et que nous devons devenir des entrepreneurs. À nous alors de trouver les meilleures pratiques qui seront celles des usines Bosch en premier lieu, mais aussi peut-être des standards pour le groupe Bosch. » Dès le démarrage de sa responsabilité de CDO, à laquelle il accorde « plus d’importance à la mission qu’au titre », Eric Payan a lancé un groupe de travail sur le thème « usines et produits du futur » avec une vingtaine de personnes représentatives de l’entité Bosch Rexroth. « Il y avait des gens de la production, de la qualité, de tous les pôles opérationnels de l’entreprise, et ce quel que soit leur niveau dans la hiérarchie. J’ai décidé de ne surtout pas prendre que des encadrants car je voulais que les idées viennent du terrain », assure-t-il. Le groupe de travail porte rapidement ses fruits : les propositions fusent et les projets se multiplient. « Sur dix idées de départ, nous avons déjà effectué cinq réalisations concrètes, et ce en dix-huit mois. Nous sommes allés très vite car tout le monde était très motivé. Un grand nombre de personnes ont participé à des réunions d’incubation d’idées. Cela a réellement créé une dynamique dans l’entreprise, un élan d’innovation apportant de la fierté de la part de l’ensemble des collaborateurs, ce qui a par ailleurs facilité la conduite du changement. »
Réalisations opérationnelles
L’équipe hétéroclite compte entre autres à son actif la mise en place d’un système de contrôle de la qualité des produits piloté par le biais de lunettes intelligentes, relayant les informations sur des smartphones et des tablettes, ainsi que des systèmes d’affichage d’indicateurs clés de performance (KPI) en bout de ligne pour améliorer leur visibilité et faciliter ainsi les discussions stratégiques lors des réunions des équipes de production. « Nous avons développé aussi un applicatif qui indique le temps d’attente au restaurant d’entreprise, indique Eric Payan. Cela a fait sourire mais les mesures montrent que pour les personnes n’ayant pas d’horaires postés, nous avons gagné à peu près dix minutes par individu et par jour. Ces dix minutes-là sont maintenant travaillées et non passées dans une file d’attente pour aller manger. » Niveau logistique, Eric Payan est également à l’écoute de toutes les propositions, bien que le niveau d’équipement interne de l’usine de Vénissieux lui convienne parfaitement pour l’instant : « Nous avons des terminaux mobiles qui permettent de faire le picking dans le stock pour alimenter les lignes. Ils aident considérablement à fiabiliser et à optimiser la chaîne logistique intérieure. Tout est géré avec les modules de SAP Warehouse Management. Ce sont des technologies qui sont connues et implémentées depuis longtemps. Ce qui serait à faire, mais sur l’usine de Vénissieux les volumes ne sont peut-être pas encore suffisants, c’est implémenter les technologies RFID pour traiter un plus gros volume. La question du ROI de l’implémentation de la RFID dans notre chaîne logistique est en cours d’étude, mais je ne suis pas convaincu que nous ayons un retour sur investissement intéressant pour l’instant. »
S’enrichir des autres
Pour que toutes ces idées émergent et puissent être mises en œuvre, Eric Payan doit aller les chercher. La découverte du terrain a changé sa manière d’appréhender son travail : « Là où j’ai beaucoup appris et où j’ai compris énormément de choses, c’est lorsque j’ai pris mes chaussures de sécurité et que je suis allé à la rencontre des acteurs de l’usine (les responsables méthodes, de production, les techniciens, les ouvriers etc.) pour comprendre leur métier, leurs problématiques, leurs besoins de tous les jours. Si vous ne descendez pas dans l’usine et si vous ne discutez pas avec les personnes, vous ne pouvez pas vous faire une vraie idée des réalités de l’entreprise. » Cette ouverture aux autres, ces échanges permanents avec tous les niveaux de poste, doivent selon Eric Payan être pris en compte par les DSI des grandes entreprises pour devenir un vecteur de transition numérique et aider à la mutation du métier : « La fonction de CDO commence à se voir en France dans les grands groupes. J’ai des collègues DSI qui, eux aussi, sont en train de se poser la question de leur évolution pour que leur métier prenne également en compte les problématiques de l’industrie 4.0. Il faut que la DSI mute en élargissant son spectre. Certains vont y parvenir et devenir des CDO, ou alors ils n’y arriveront pas et un CDO extérieur arrivera et reprendra tout. »