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et logistique

Portrait

Estelle LEGRAND : « Réussir à l’instinct »

Le parcours d’Estelle Legrand – directeur achats et supply chain d’Ingredia – n’a été ni balisé, ni tracé d’avance. Mais il est réfléchi, jour après jour, avec la certitude que chaque problématique, qu’elle soit logistique ou humaine, a sa solution.

Publié le 22 mars 2017 - 10h55
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Les liens entre performance supply chain et financière s’avèrent désormais de plus en plus stratégiques pour le secteur. Et s’il en est une qui a très certainement fait le lien entre rentabilité et logistique depuis plusieurs années, c’est bien Estelle Legrand. Diplômée d’un DESS de finance et de marketing en 1993, celle qui se destinait davantage au milieu bancaire se retrouve finalement dans le fret aérien pour le compte d’un transitaire basé à Roissy. En implant chez un client situé à Verdun (55), elle est chargée de la collecte, de l’acheminement et du dédouanement de marchandises… De ses propres dires, à ce moment-là, Estelle Legrand « tombe sous le charme et le stress de la supply chain ». Drôle de sujet de séduction, donc. Mais finalement pas tant que cela quand on y regarde de plus près. Chez Estelle, « le verre est à moitié plein » et « il n’y a pas de problèmes, que des solutions ». De véritables poncifs pour certains, mais qui résonnent pourtant comme des évidences dans la vie de cette « directeur » et non « directrice » – elle insiste – achats et supply chain pour l’entreprise laitière Ingredia. « Dans ce secteur, nous sommes surtout vus et considérés comme l’apporteur de solutions. Ce que j’aime, c’est que nous apportons une véritable valeur ajoutée à l’entreprise. Voilà pourquoi je raisonne en solutions. D’une façon générale, je suis en faveur d’une supply chain agile et connectée », explique-t-elle. Une méthode qui porte ses fruits puisqu’aujourd’hui, à 49 ans, Estelle Legrand possède un background professionnel conséquent.

 

Son ancien collègue, Pascal Mortoire, ex-directeur marketing & commercial chez Ingredia estime qu’« elle est appliquée et ne lâche pas, même quand c’est compliqué. Elle apporte à la fois une rigueur reconnue, un professionnalisme, une culture différente – elle vient du secteur automobile bien plus exigeant et tourné vers le client – mais aussi une vraie dose de féminité. Par féminité, j’entends subtilité, empathie, intuition et humanité ». Cet instinct, Estelle l’a développé tout au long de ses expériences, dans l’aérien mais aussi en expérimentant longuement le secteur de l’automobile : « L’automobile est un secteur très formateur, très structuré, avec des indicateurs. J’y ai beaucoup appris depuis mon entrée dans le groupe Honeywell, au sein de l’usine Garrett de Thaon-les-Vosges (88) en 1997 ». Et c’est peu dire. Elle démarre comme intérimaire en tant que gestionnaire des plannings et des activités pour passer responsable achats, puis du service client. En sept ans, elle occupera trois postes. Entre temps, elle donnera naissance à ses deux enfants, Clotilde et Charles. C’est à son retour de premier congé maternité qu’elle obtiendra sa promotion. Et lorsqu’on lui demande, étonnée, si elle l’a bien décrochée juste après ces mois d’absence, elle répond avec un naturel déconcertant par l’affirmative, comme une évidence. Et précise même n’avoir jamais réfléchi à la difficulté d’organiser vie de mère, de femme et carrière professionnelle, juste avoir voulu réussir ce qu’elle a entrepris. « Estelle est une battante. Je savais qu’elle réussirait, de par son charisme, sa façon d’être. Elle ne se met pas de barrières. Pour elle, la vie est un challenge. Tout ce qu’elle entreprend, elle le fait bien. Mais elle ne fonce pas tête baissée, elle sait prendre le temps de la réflexion », détaille Sylvie Lopes, sa meilleure amie.

 

Avancer les pieds sur terre

Ainsi quelques années plus tard, lorsque son père – dont elle est très proche – décède, Estelle, toujours installée dans les Vosges, où elle avait emménagé pour suivre son mari militaire, quitte la région. Elle rejoint alors sa terre natale, le Nord : « Je suis fille unique, maintenir le noyau familial est important. Je voulais profiter de ma mère et mes enfants de leur grand-mère, ma fille avait alors 5 ans et mon fils 18 mois », raconte-t-elle tout naturellement. Un changement de vie également synonyme d’une nouvelle étape dans le parcours professionnel de fonceuse du directeur supply chain : après la finance, l’aérien, l’automobile, place à la métallurgie : « Ce qui m’a intéressée dans tous ces challenges, c’est la mise en place de processus, de solutions et l’optique de gain pour l’entreprise aussi. C’est toujours le driver qui m’a fait avancer. Je n’ai pas de plan de carrière défini. Depuis le début, je travaille au sein de groupes américains avec toujours dans un coin de ma tête l’idée de l’impact sur le compte de résultat pour faire progresser les process, les missions… », analyse Estelle Legrand.

 

Volontaire, impliquée, elle ne fait pas les choses à moitié : « Elle est engagée à fond dans tout ce qu’elle fait. Elle peut travailler le week-end sans problème, ce n’est pas une contrainte. Quand elle s’implique, c’est à 1 000 % », affirme un de ses amis, Loïc Laine. Mais attention, avec une règle : ne pas mélanger vie privée et vie professionnelle. « She draws the line », comme disent les Anglais, confirme Pascal Mortoire. « Je suis très discrète à l’extérieur sur mon parcours. Je ne communique pas là-dessus », confirme-t-elle. « Je suis ouvrier. Elle a attendu six mois pour me dire qu’elle était directeur supply chain », corrobore également Loïc Laine. Pourquoi ? Peut-être pour rester ce qu’elle est dans la vie : simple. « Estelle et moi nous connaissons depuis les bancs de la maternelle. Nous nous sommes suivies en primaire, puis au collège. Nous habitions la même rue. Nous avons toujours été très amies et le sommes encore à l’heure actuelle. Même si nous ne sommes pas du même milieu, n’avons pas eu les mêmes trajectoires ou les mêmes carrières, quand je suis avec elle rien ne change, rien ne nous différencie », confie Sylvie Lopes. Fidèle aux autres et à elle-même, c’est ainsi qu’Estelle, en 2010, alors nouvellement directrice des opérations pour une entreprise néerlandaise quitte son poste 15 mois plus tard, par manque de marge de manoeuvre. « Cela n’avançait pas à hauteur des plans que j’avais proposés et ne correspondait pas à l’environnement dans lequel je voulais m’épanouir professionnellement. J’ai préféré m’en aller », confie-t-elle.

 

Des vies en une

S’en aller, elle l’a aussi fait dans des circonstances nettement plus difficiles quatre ans plus tard. Alors bien installée professionnellement – chez Ingredia depuis deux ans comme responsable achats –, elle se sépare de son conjoint avec qui elle a eu ses deux enfants. S’ouvre alors une période « compliquée » pour cette optimiste née qui vit désormais une semaine sur deux avec son fils Charles, tandis que sa fille Clotilde fait le choix de rester avec sa « best mum ». De cette épreuve, Estelle Legrand a su rebondir, encore et toujours, multipliant les activités. « Conseillère municipale depuis deux mandats, membre du syndicat intercommunal de son canton, du comité de direction du Conseil national des achats de Hauts-de-France… », énumère Loïc. Et membre de l’Aslog. Rien que cela. Elle ajoute également une corde à son arc citoyen en étant bénévole au lycée de ses enfants pour faire passer des entretiens de premiers jobs aux lycéens, le samedi matin. « Une semaine de la vie d’Estelle ? C’est la course ! », s’amuse-t-il. Mais elle le promet, elle prend aussi le temps de s’occuper d’elle : « manucure, coiffeur, sport, j’aime prendre soin de mon apparence ». Et de ses enfants, à l’image de leur road trip aux US en 2016, de la côte ouest à l’Est. Californie, Arizona, Nouveau-Mexique, Philadelphie pour la convention démocrate, New York… même en vacances, Estelle Legrand n’y peut rien, elle continue de tracer sa route.

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